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Inspiré par la silhouette du tamaris peuplée d’oiseaux du jardin de son enfance et marqué par le visage de son oncle schizophrène, Hubert DUPRILOT a su, très jeune, que la peinture tracerait le chemin de sa vie. Puisant dans les artistes du 18ème et du 20ème dont Jean RUSTIN et de Robert COMBAS, Hubert Duprilot a su trouver un style qui lui est propre, entre Art Brut et Expressionnisme. Mêlant les techniques, les couleurs, les regards, il fait preuve d’une sensibilité extrême et crée un monde de personnages au regard touchant et au corps troublant. Dans cet univers, parfois sombre, émerge alors des pulsions animales, vivifiantes de liberté, des images qui bouleversent le tréfonds de nous-mêmes. Bousculant nos certitudes, il fragilise nos ressentis, stimule nos émotions, aiguise notre regard et nous pousse à aller au-delà. Un artiste à fleur de peau qui pose la question première de la condition humaine.

« Allez raconter à un oiseau qu’il vient de passer une frontière….. L’oiseau est le parangon du migrant. Ne dit-on pas de certains qu’ils sont migrateurs et que leur départ nous fait le bonheur de les voir de retour ne serait-ce pour leur tirer dessus ou les prendre au filet ?
Les oiseaux de DUPRILOT ont des têtes d’humain bifrons, sortes de Janus ils guettent ou découvrent, chantent et s’étonnent, perchés qu’ils sont sur une branche qui n’a plus ni racine ni tronc. Cette branche est leur maison, elle dit leurs histoires dans un monde sans vie qui n’a d’horizon qu’une petite porte qu’Alice, elle-même ne pourrait franchir et qu’ils ne semblent pas voir. Ces oiseaux sont des migrants d’âme ou de corps, sans voix, sans écoute et la branche ne les porte pas, c’est eux qui la portent, témoignage incompris d’un passé lourd comme une menace de refus, d’enfermement, de mort. Pourtant cette branche est leur fierté. Elle était dans l’arbre qui portait leur famille, leurs amis. Elle avait l’odeur des saisons, les couleurs du ciel. Elle portait nids et chants, amours et labeurs, protégeait et nourrissait. Le rêve était de la quitter pour en habiter d’autres, là tout près, d’où on entend les chants des amis, des amours, des parents, des enfants et puis en parler avec ardeur, avec tendresse, avec nostalgie, fierté et bonheur comme on le fait lors de dîner quand on parle de ses origines à d’autres qui en font de même, même si ces origines ne sont qu’un écho lointain de l’histoire familiale.
Les oiseaux de DUPRILOT ont peut-être peur, ils sont surtout étonnés et quettent un regard qui les rendra vrais et rendra possible le vol et l’accueil chaleureux d’une nouvelle branche sur laquelle greffer celle emportée dans l’exile.
Qui es-tu, toi ? Je suis du bois de cette branche, il ne m’en reste qu’un tout petit bout, juste de quoi participer à la construction de notre nid, près du tien, avec toi. »

Pierre Gentes - Galerie 75 à Rouen